Un adage dit que l’on peut évaluer une personne à sa façon de traiter ses animaux. Rosaire Dubé, de la Ferme Faro, à Saint-Fortunat (Chaudière-Appalaches), recevrait une note de 10! Minutieux, habile et toujours à l’écoute des bons conseils, cet « Éleveur porcin de l’année » en 1995 s’est façonné une vie agricole accomplie. Épaulé par son fils Samuel et entouré de ses petits-fils, il ne se voit nulle part ailleurs.

Avant de remporter son titre en 1995, de trôner au sommet des meilleures catégories de poids à quatre reprises et de recevoir le prix de l’ingéniosité du Congrès du porc, Rosaire Dubé a saisi la chance de se lancer dans une industrie qui avait le vent dans les voiles. « Je travaillais dans la construction à Montréal, raconte-t-il. Mon frère venait de faire encan et se préparait à vendre la ferme. Je lui ai fait une offre, et nous sommes passés chez le notaire. »

Le nouveau propriétaire a choisi le porc. « J’ai posé des questions pour savoir ce qui serait le plus payant, et on me disait que le porc était la meilleure affaire. J’ai donc construit une porcherie de 300 truies en 1979. Je vendais tous mes porcelets à la coop [Disraeli, à l’époque]. » Quelques années plus tard, en 1989, l’ancien menuisier reprend ses outils pour construire un bâtiment d’engraissement, d’où sortiront annuellement entre 8000 et 8600 porcs.

La fin des années 1980 marque l’apparition des moulanges à la ferme, et Rosaire Dubé décide de miser sur ce nouvel équipement. Deux ans plus tard, il sera élu meilleur éleveur. S’il hésite quand le Coopérateur lui demande les principales qualités qui l’ont mené à ce sacre, une idée lui vient en tête. « Je suis un type minutieux, dit-il. J’aime que les choses soient bien faites. J’aime que mes outils soient au bon endroit. Je ne veux pas avoir à les chercher. » La moulange d’origine est toujours à la ferme, dans un état impeccable.

 

S’investir sans compter

Les gagnants font toujours des gestes qui sortent de l’ordinaire. Rosaire Dubé croit essentiellement à l’implication des éleveurs. « J’ai toujours investi beaucoup de temps dans la ferme. Quand j’ai commencé, beaucoup des autres éleveurs me demandaient pourquoi je ne sortais pas avec eux en motoneige. Je me disais que quand les gens ne sont pas là, à la ferme, qu’ils y mettent des employés à leur place, qu’ils ne s’occupent pas de leur affaire, c’est peut-être là qu’on décroche. On finit par ne plus avoir de liquidités. C’est très important de mettre du temps dans les bâtisses, de mettre de l’amour là-dedans. »

Au fil des ans, les porcs de la Ferme Faro maintiennent une excellente moyenne de poids à la sortie. « Nous pesons tous les porcs sans exception, dit le producteur. Nous avons une balance trieuse qui nous permet de suivre la croissance des porcs et de maintenir l’uniformité des lots. »

Côté alimentation, le régime de base est simple : de la moulée et des microéléments, qui sont formulés par l’expert-conseil Gérald Paquin, technologue au Regroupement Porcin des Deux Rives (RP2R). Le suivi technique est assuré par le technologue Jean-François Blais, également expert-conseil au RP2R. Les truies sont alimentées par un système Gestal, installé lors des grands travaux réalisés en 2019 pour se conformer aux normes de bien-être animal (BEA). Une bonne décision. « Avant, je soignais avec des doseurs, et les truies étaient limitées à 16 lb de moulée, rappelle Rosaire Dubé. Parfois, il arrive que certaines en mangent 24 lb. Ça paraît. Ça fait de plus beaux porcelets au sevrage, et les truies aussi sont plus belles. »

Les travaux ont nécessité un investissement de plus de 800 000 $. Rosaire avoue s’en tirer à bon compte – sans blague. « Si je devais rénover avec les coûts de 2022, il faudrait que je mette 200 000 $ de plus. Avec les marges que nous avons, ça fait toute une différence. » Tout en insistant sur le fait que la conversion de l’entreprise aux normes BEA ne s’avère pas plus payante qu’avant, l’éleveur reconnaît que les animaux en bénéficient. « Tu le vois quand tu entres dans les bâtiments et que les truies sont toutes couchées. Tu sais qu’elles sont bien. »

 

Une relève impliquée

Au cours de l’entrevue, Rosaire Dubé expliquait que les différents prix que la ferme avait remportés trouvaient leur origine dans un couple qui a toujours été uni dans le travail. « Ma femme, Francine Leblanc, a toujours travaillé avec moi, pendant 34 ans. Elle m’appelait Monsieur Dismat – “emmenez-en des projets”, me disait-elle. Même que ceux qui nous donnaient les prix étaient impressionnés par l’ouvrage qu’on faisait avec si peu de gens. » Francine et Rosaire ont été séparés en 2015 par la maladie. Une perte douloureuse pour le producteur. L’avenir est assuré à la ferme grâce à leur fils Samuel et à leurs petits-fils Anthony, Maxim et Guillaume, qui sont impliqués dans l’entreprise. Les deux plus vieux, Anthony et Maxim, y travaillent à temps plein, et le petit dernier, Guillaume, va faire son tour tous les jours avant de se rendre à son emploi, à la coop.

 

Palmarès de la Ferme Faro

1995 : titre d’Éleveur porcin de l’année au Congrès du porc

1995 à 1998 : prix de la meilleure catégorie de poids au Congrès du porc

1992 : prix de l’ingéniosité au Congrès du porc

Auteur et photographe

Stéphane Payette , T.P.

Publié dans le Coopérateur